Noblesse Oblige, ou l’origine d’une galerie de portraits :
En essayant de définir quels furent les moments phares à l’origine de ma vocation photographique, je me suis souvenue de l’histoire du chat :
Peut-être avais-je six ou sept ans, pas beaucoup plus. J’ai toujours ressenti une affection démesurée pour les chats, frustrée par la phobie que ma mère en avait, de ne pas avoir l’occasion d’en approcher souvent…
C’était un joli chat noir, lové tranquillement sur le bas-côté d’une porte, chez des amis de la famille je crois.
Il était si rare que je puisse observer un petit félin de si près, que ma première réaction ne fut pas de l’approcher pour le caresser, mais d’attraper aussitôt le Polaroïd de mes parents afin de m’offrir ce chat sur papier photo. Par-dessus tout, le cœur battant, j’ai senti un élan d’inspiration, à vouloir représenter ce chat noir en train de faire sa sieste, pour m’en réaliser une représentation, digne et que j’espérais aussi magnifique, que la boule de poils que j’avais sous les yeux !
Quelle ne fut pas ma frustration et mon intense déception lorsque je vis apparaître sur le polaroïd, en lieu et place du magnifique animal qui dormait sous mes yeux, une pauvre tâche noire, floue et ridicule sur un affreux fond gris-vert !!!
J’étais désemparée !! Je pressentais que je n’avais employé les bonnes armes, les techniques, les lumières… que je n’avais aucun moyen de créer, là, à ce moment, la représentation de mon amour pour ce félin !
J’essayais encore, un, deux, trois polas, et rien !! Je changeais de place, d’angle, m’approchais… mais désespoir ! Toujours cette ombre noire et informe, toujours ce résultat ridicule !
Et là j’ai senti, pauvre enfant que j’étais, que j’entrais dans une spirale infernale ! Que je pouvais finir par y arriver ! Je ne savais pas comment, mais il fallait, comme disait Beckett, « essayer, rater, essayer encore, rater encore, rater mieux » …
J’avais le désir profond de représenter avec dévouement et vérité la beauté, la splendeur de ce chat noir… …Jusqu’à ce que l’on me prenne l’appareil photo des mains, arguant « Johanne c’est du gaspillage ! ».
Mais c’est à ce moment précis, de cette magistrale frustration, qu’est né le désir de vouloir créer un pont entre cet élan intérieur et la réalité que j’allais vouloir imprimer sur papier glacé. C’est à ce moment que mon histoire s’engouffrait dans les méandres de l’ombre et de la lumière, pour en arriver à la photographie équestre grâce à un magnifique hasard du destin.
Pour paraphraser la phrase célèbre d’André Bazin je voulais substituer à mon propre regard physique, un monde photographique qui s’accorderait à mes désirs, et rejoindre par l’image mon monde intérieur, mouvant et amoureux.
JOHANNE HELARD
Je remercie du fond du coeur Sophie et Sébastien, du centre hippique de Coat Congar à Morlaix, chez qui j’ai réalisé mes premières photographies équestres, et qui m’ont permis de mettre …le pied à l’étrier
NB : « Noblesse oblige », véritable petit bijou d’humour britannique, est un film de Robert Hamer sorti en 1949